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Mauvaises herbes et apiculture
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Mauvaises herbes et apiculture
La malherbologie est la science qui étudie les “ mauvaises
herbes ” appelées également plantes adventices. Sont considérées comme telles,
les espèces qui se développent dans nos cultures souvent à leur détriment. C’est
d’ailleurs contre elles qu’on utilise, en agriculture intensive, toute une
panoplie d’herbicides. Pourtant, à y regarder de plus près, cette notion de
malherbologie est une notion très relative car beaucoup d’espèces classées comme
“ mauvaises herbes ” sont des sources intéressantes de nectar et de pollen.
Certaines sont même en voie de disparition et mériteraient d’être protégées.
Mauvaises herbes pour les uns, richesses pour les autres, la destruction de
toutes les adventices sans discernement doit-elle continuer ? Sans vouloir
nécessairement réhabiliter toutes “ ces mauvaises graines ”, il peut, néanmoins,
être intéressant d’examiner la situation par le petit bout de la lorgnette.
Ce type d’associations végétales est le plus souvent classé par commodité en
groupements messicoles, c’est-à-dire liés aux cultures céréalières et en
groupements de cultures sarclées. Il s’agit le plus souvent de plantes
pionnières qui profitent d’un sol neuf qui leur est offert chaque année par le
travail de la terre. La majorité de ces espèces sont donc des “ annuelles ”.
Les
adventices messicoles :
Les céréales cultivées étant des monocotylédones, les herbicides utilisés font
disparaître les dicotylédones donc beaucoup de plantes nectarifères
(1) et pollenifères. Paradoxalement ces
traitements favorisent d’autres “ mauvaises herbes ” monocotylédones dont les “
chiendents ” (Elymus campestris) et les “ jouets du vent ” (Apera
spica-venti) sont les plus connues. Parmi les dicotylédones, certaines
ombellifères invasives “ se tirent d’affaire ” car elles sont devenus
résistantes.
Les bleuets (Centaurea cyanus) et les coquelicots (Papaver rhœas)
sont probablement les messicoles les plus connues de tous. Comme toutes les
centaurées, le bleuet est extrêmement nectarifère. Sa floraison, entre juin et
août, en faisait, il y a encore 50 ans une des composantes essentielles des
miels “ toutes fleurs ” d’été. Aujourd’hui l’espèce est rare, trop rare. Dans le
Bassin parisien, on la trouvera le plus souvent en marge des cultures, là où les
traitements ont été moins efficaces, quelquefois dans des champs de colza ou çà
et là au abord de villages sur des décombres car c’est une espèce nitrophile que
l’on retrouvera également dans des cultures sarclées.
Les coquelicots, comme toutes les papavéracées ne sont pas nectarifères. Les
abeilles, les visitent intensément pour y prélever du pollen. En fait sous cette
appellation se cachent différentes espèces : le grand coquelicot (Papaver
rhœas), le petit coquelicot (Papaver dubium) (lequel comprend
lui-même 2 sous-espèces), le coquelicot hybride (Papaver hybridum) et le
coquelicot argémone (Papaver argemone). Le grand coquelicot est l’espèce
qui a probablement le mieux résisté. Bien qu’ayant disparu des moissons, on
retrouve fréquemment sa floraison abondante lors des travaux routiers ou sur les
espaces où la terre a été fraîchement retournée en attente de grands travaux…
Moins connues sans doute sont les Pieds d’alouette (Consolida regalis),
une renonculacée aux fleurs bleues, roses ou blanches (présente surtout sur
calcaire) ; l’odontitès rouge (Odontites vernus), plante parasite aux
nombreuses fleurs rougeâtres de la famille des scrofulariacées mais dont le
nectar de qualité attire abondamment les abeilles ; le cirse des champs (Cirsium
arvense) apparaîtra en lisière ou lorsque les cultures sont négligées.
Considéré comme très nuisible, l’arrachage de ce “ chardon ” est obligatoire. Le
nectar peut y être très abondant, comme dans pratiquement toutes les chardons (cirsium
spp. et carduus spp.) ; des lamiers comme le lamier pourpre (Lamnium
purpureum) et le lamier amplexicaule (Lamnium amplexicaule), deux
lamniacées à fleurs pourpres qui fleurissent très longtemps ; une autre
lamniacée, la menthe des champs (Mentha arvensis) possède des fleurs
rosées tout aussi nectarifères ; c’est également le cas des fleurs de la
moutarde des champs (Sinapis arvensis), brassicacée à fleurs jaunes qui
fleurit d’avril à novembre ; de la moutarde blanche (Sinapis alba) (sur
calcaire) ; la linaire des champs (Linaria arvensis) est une
scrofulariacée à fleurs jaunes ou plus ou moins bleues. Le trèfle des prés (Trifolium
arvense) et la vesce velue (Vicia vilosa) (Fabacées), le réséda
raiponce (Reseda phyteuma) (Résédacées), la guimauve hérissée (Althæa
hirsuta) (Malvacées), la gesse tubéreuse (Lathyrus tuberosus)
(Fabacées), le mélampyre des champs (Melampyrum arvense), plante parasite
(Scrofulariacées), l’épiaire annuelle (Stachys annua) (Lamniacées) sont
toutes nectarifères et se retrouvaient dans les moissons.
Les
adventices des cultures sarclées :
Il s’agit le plus souvent de plantes annuelles, pionnières et nitrophiles. On
pourra retrouver ici certaines plantes messicoles déjà citées, mais de ne
nouvelles espèces caractérisent ces groupements. La plupart des cultures
sarclées étant des dicotylédones, l’usage des herbicides est ici plus délicat.
Parmi les espèces nectarifères les plus constantes, on trouvera le chardon
penché (Carduus nutans) (Asteracées) ; la renouée des oiseaux, (Polygonum
aviculare) (Polygonacées) mais également d’autres espèces : la barbarée
vulgaire (Barbarea vulgaris) (Brassicacées), la bourrache (Borago
officinalis) (Borraginacées), le muflier rubicond (Misopates orontium)
(Scrofulariacées) – les abeilles ne prélèvent le nectar de cette fleur que
lorsqu’elle été percée par les bourdons.
Dans les vignes et les vergers apparaît une flore spécifique avec beaucoup de
liliacées. Celle-ci persiste quelquefois quelques temps après abandon de ces
cultures. On rencontrera l’ail des vignes (Allium vineale) et l’ail des
champs (A. oleraceum) (Liliacées), les muscaris (Muscari atlanticum
et M. comosum) (Liliacées), le sédum rougeâtre (Sedum rubens) et
le sédum blanc (S. album) (Crassulacées), l’ornithogale en ombelles (Ornithogalum
umbellatum) Liliacées)…
L’abandon des cultures voit apparaître des groupements de végétation constitués
de friches nitrophiles qui regroupe un grand nombre d’espèces nectarifères qui
ne sont plus des annuelles. L’abandon définitif conduit, en principe, à des
groupements forestiers…
Mauvaises herbes pour les uns, sources de miels et de pollen
pour les autres, tel M. JECKIL et M. HYDE, beaucoup d’adventices sont bonnes ou
mauvaises selon le côté du miroir avec lesquelles on les regarde. Leur
disparition – certaines mériteraient d’être protégées – est une menace pour la
biodiversité végétale certes, mais également animale car de nombreuses espèces
animales leur sont inféodées en dépendant étroitement d’elles pour leur
alimentation. Le problème des dépopulations d’abeilles est extrêmement complexe
car polyfactoriel. On ne le résoudra pas sans prendre en compte tous les effets
environnementaux y compris la raréfaction et le déséquilibre des ressources.
L’environnement agricole de certaines régions n’est plus capable de fournir aux
abeilles une alimentation équilibrée. Leur mortalité n’est probablement que la
partie visible de la disparition de nombreux insectes utiles qui, faute d’avoir
la notoriété de l’abeille, disparaissent dans l’indifférence la plus totale. Il
n’est peut être pas encore trop tard pour réagir. Il faut revoir la politique du
“ tout herbicides ” et du “ tout pesticides ” pour une agriculture plus
raisonnée. Il ne s’agit pas de revenir au Moyen-Âge, mais de tenir compte de
l’ensemble des connaissances scientifiques, agronomiques et écologiques
d’aujourd’hui pour intégrer l’agriculture dans une gestion raisonnée et
équilibrée des milieux…
Paul SCHWEITZER
Laboratoire d’analyses et d’écologie apicole
© CETAM-Lorraine
2004
(1) Le terme mellifère qui est le plus souvent utilisé est impropre car les
plantes ne “ porte ” pas du miel mais du nectar. Le terme pollenifère n’est non
plus pas très adéquate car toutes les plantes à fleurs sont pollenifères, même
celles qui dont le pollen n’est pas récolté par les abeilles.
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